Souvenirs à chérir

Les souvenirs des beaux moments passés avec vos proches tissent avec eux un lien par-delà la mort. Puisse cette rubrique vous inspirer pour retrouver et chérir ces souvenirs.

Cette tartine de choco continue de nous unir

Juste avant l’été, en juin, le père de Vincent a délibérément mis un terme à son existence. Les jours qui ont précédé ont été riches en émotions. « Cette dernière tartine de choco a fait beaucoup de bien à papa et nous offre aujourd’hui encore des moments chaleureux. »

« Mon père a enseigné toute sa vie à l’université de Gand. Il était professeur de langues et de littérature classique, spécialisé dans le latin médiéval. À la maison, il aimait se retirer avec sa pipe et son livre, mais une fois dans l’amphithéâtre, il se transformait en un animateur capable de captiver son auditoire. Je reçois encore parfois des messages d’étudiants via Facebook, pour me demander si je fais partie de sa famille et pour me dire qu’il était un bon professeur, qui leur a beaucoup appris. »

Après le décès de sa femme, il y a une douzaine d’années, la vie est devenue plus difficile à supporter. « Ce décès, survenu après un long combat contre plusieurs cancers, a été un choc pour papa. À partir de ce moment, sa vie a pris l’allure d’un chemin cahoteux. Il lui arrivait de perdre le goût de vivre, et les signes physiques de son mal-être se multipliaient. Tout ce qu’il aimait faire (aller au restaurant, rendre visite à la famille, aller au cinéma, lire des livres ou écouter de la musique) était devenu beaucoup plus difficile. Il y a un an, il a exprimé ce que nous savions en fait depuis longtemps : il voulait s’en aller paisiblement le jour de ses 81 ans. »

« Le lendemain des funérailles, tous les membres de la famille ont partagé des photos de leur petit déjeuner. »

Place au rire

Les derniers mois ont donné lieu à des conversations profondes. L’occasion de clarifier les choses, de se remémorer des souvenirs et, surtout, de rire. Jusqu’au dernier jour. « Pendant les dernières heures de la vie de papa, nous avons alterné les moments de silence et les échanges brefs. Jusqu’au moment où, après que nous lui avons demandé s’il avait encore besoin de quelque chose, il a demandé avec beaucoup de conviction une tartine de choco. J’ai regardé mon frère d’un air assez perplexe, mais je me suis rapidement mis en quête d’une tartine de choco fondant. Papa, qui était un véritable amateur de chocolat, n’a fait qu’une bouchée de sa tartine. Une demi-heure plus tard, il s’endormait pour toujours. »

Cette tartine de chocolat est devenue un symbole miraculeux. « Quand j’ai appelé mon cousin, il m’a raconté que sa mère (la sœur de mon père) ne voulait plus manger son repas du soir après le décès de son frère, mais qu’elle avait subitement demandé… une tartine de choco. Coïncidence ? Ou pas ? »

Le choco magique

Les jours suivants, il a fallu organiser la cérémonie funéraire. « Mon frère a choisi la musique, de l’opéra et quelques textes. C’était l’une des facettes de mon père. J’ai opté pour son côté comique et humoristique. Le choco y avait sa place, puisqu’il revêtait désormais une dimension magique. Je me suis procuré une dizaine de petits pots, je les ai remplis de pâte à tartiner au chocolat noir, j’y ai collé la photo de papa et remplacé la date limite de consommation par la date de son décès. C’est devenu le choco Melchior, un clin d’œil au deuxième prénom de mon père et à l’un des trois Rois mages, pour renforcer la dimension mystique. »

Sur la pelouse cinéraire, l’histoire des tartines de choco a été racontée à la famille. Les pots ont été distribués et des sourires se sont dessinés sur les visages. « Le choco et les anecdotes ont décroché des sourires et des larmes, mais ont également créé une connexion. Le lendemain des funérailles, tous les membres de la famille ont partagé des photos où on les voit manger une tartine de choco Melchior au petit déjeuner. Aujourd’hui encore, ce pot de choco est encore régulièrement évoqué, même par des personnes qui n’étaient pas présentes ce jour-là. On peut vraiment parler d’un miracle : nous pensons désormais à mon père chaque fois que nous voyons un pot de choco. »

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