Rovina témoigne de la force de sa famille des gens du voyage
Quatre corbillards identiques, une mer de fleurs, des mélodies à la guitare et au violon. Rovina Van Esch (35 ans) montre de quelle manière ses racines chez les gens du voyage racontent et réconfortent.
De l’imprimerie aux pompes funèbres
Rovina travaille chez DELA depuis six ans. « J’ai toujours su que je voulais travailler au contact des gens », explique-t-elle. « Après onze années passées dans une imprimerie et le décès de ma mère, j’ai pris une décision : je ne voulais plus faire que ce qui me tenait vraiment à cœur. J’ai vu une offre d’emploi chez DELA par hasard et j’ai tout de suite compris que ce job était fait pour moi. »
Aujourd’hui, elle accompagne les familles dans l’un des moments les plus difficiles de leur vie. « Je me charge des soins au défunt, des trajets vers le crématorium et je participe aux échanges avec les proches. Chaque défunt est unique, chaque famille a sa propre manière de faire ses adieux. C’est ce qui rend ce métier si particulier. »

Une vie sur la route
Rovina est issue d’une famille de « gens du voyage ». « Autrefois, nous vivions en caravane et nous étions souvent sur les routes. Aujourd’hui, beaucoup d’entre nous habitent dans des maisons, mais nous avons toujours la passion du voyage dans le sang. La liberté reste sacrée : nous avons pratiquement tous un mobilhome garé devant chez nous, prêt à partir. Nous vivons dans le respect les uns des autres, tout en suivant chacun notre propre chemin. »
« Nous brûlons quelque chose de personnel afin qu’une partie de cette personne aille au ciel. »Veiller ensemble, jamais seul
Même si la mort reste parfois un sujet tabou, l’adieu prend une dimension intense et chaleureuse dans la culture de Rovina. « Personne ne meurt seul. Il y a toujours une main, une voix, une présence », affirme-t-elle avec conviction. « Quand ma mère était malade, nous avons veillé sur elle jour et nuit. Elle est décédée à la maison, entourée de ses enfants. Après le décès, la veillée continue souvent dehors, autour d’un feu, jusqu’aux funérailles. »
Autrefois, la roulotte du défunt était brûlée, comme un symbole de détachement. « Ce n’est plus le cas aujourd’hui », explique Rovina. « Mais nous brûlons encore des objets personnels, comme des vêtements ou des bijoux. C’est une manière symbolique de faire partir une part de la personne “vers le ciel”. »
Le respect de ce que quelqu’un laisse derrière lui reste tout aussi important. « La chaise de ma mère reste vide. Personne ne s’y assoira jamais. C’est une évidence dans notre culture. »
Des adieux empreints de fleurs et de musique
Les funérailles de la mère de Rovina ont marqué les esprits. « Elle avait 54 ans et tout le monde l’aimait. Près de mille personnes sont venues lui dire adieu et des centaines d’autres ont assisté à la réception après la cérémonie. Elle rêvait d’un cortège funéraire à cheval. La calèche est malheureusement arrivée trop tard. Ce fut donc un cortège avec quatre corbillards identiques. »
Lors du cortège, la famille marche souvent aux côtés du défunt. « Les fleurs sont toujours présentes en abondance. C’est notre manière d’exprimer notre amour. Le cercueil de ma mère en était entièrement recouvert. À l’arrivée à l’église (la plupart des membres de la communauté des gens du voyage sont catholiques), le cercueil est porté à l’épaule. C’est une marque de respect. Tout le monde attend également dehors que le cercueil soit entré. »
La cérémonie était menée par un prêtre proche de la communauté. « Il rend souvent visite aux gens du voyage. Pendant l’office, on joue régulièrement de la musique à la guitare ou au violon. C’est une tradition. Parce que la musique unit et adoucit. »
«Personne ne s’assoira jamais sur la chaise de maman.»Une dernière demeure pas comme les autres
Le choix de la crémation s’éloignait, quant à lui, des traditions. « Les gens du voyage optent généralement pour l’inhumation, » explique Rovina. « Les tombes sont richement décorées, avec des parois carrelées et souvent une pierre gravée représentant une scène de la vie en roulotte. Nous restons toujours auprès de la tombe jusqu’à ce que le cercueil soit complètement enseveli. Nous ne laissons jamais nos morts seuls. »
Mais sa mère avait fait un autre choix, en toute conscience. « Elle voulait retourner à la nature. C’était sa volonté, clairement exprimée, et nous l’avons respectée, même si elle allait à l’encontre de notre tradition. Une partie de ses cendres a été dispersée à Lourdes, un lieu que notre communauté visite souvent pour prier, demander du soutien ou exprimer sa gratitude. Là-bas, nous avons eu le sentiment qu’elle rentrait chez elle. »
Le deuil, mais aussi la vie
La période de deuil durait autrefois six semaines, raconte Rovina. « Chez nous, faire son deuil, c’est se priver de viande, d’alcool et de distractions comme la télévision ou la radio. Ma mère nous a demandé de montrer notre chagrin jusqu’à ses funérailles, pour que nous puissions ensuite reprendre le cours de notre vie. Ça lui ressemble et ça reflète aussi notre culture : la tristesse a sa place, mais la vie continue. Nous la célébrons ensemble, en famille, entre amis. Les aînés restent avec nous, les enfants grandissent souvent chez leurs grands-parents. C’est notre façon de prendre soin les uns des autres. »
Souvenir et lien
Tous les 1er et 2 novembre, la famille rend hommage à ses défunts au cimetière autour de bougies, de fleurs et de moments partagés. « Lors des fêtes de famille, mariages ou autres rassemblements, nous plaçons aussi toujours des photos de ceux qui nous manquent. Ainsi, nos proches disparus restent présents. Le souvenir n’est pas un fardeau, c’est une manière de rester liés. »
Rovina sourit : « Dans notre culture, tout tourne autour du souvenir, du respect et de la présence des autres. Mais, au fond, cela vaut pour tout le monde, qu’on soit de la communauté des gens du voyage ou pas. Le deuil, c’est quelque chose que l’on porte ensemble et c’est précisément ce qui le rend plus léger. »
« La simplicité apporte la paix » : l’art de dire adieu selon Najat
Najat El Aïssat, Regio Manager Sales chez DELA, évoque avec la chaleur et la clarté qui lui sont propres la manière dont les musulmans vivent l’adieu : les derniers instants tout en douceur, la toilette rituelle, la prière, le souvenir nourri de prières et de bonnes actions. Elle explique aussi ce qu’il est possible de prévoir dès aujourd’hui pour pouvoir, le moment venu, partir le cœur en paix.

Pourquoi je partage ce témoignage
Najat explique qu’elle n’a pas reçu d’éducation religieuse : à la maison, l’accent était mis sur les études, le travail, le sens des responsabilités et le soin des autres. Son cheminement spirituel a réellement commencé après la naissance de sa plus jeune fille. Ce qui devait être l’un des plus beaux jours de sa vie a viré au cauchemar en raison d’un accouchement extrêmement difficile. Elle a échappé de justesse à la mort. « Quand j’ai appris par la suite à quel point ma survie relevait de l’exceptionnel, j’ai surtout ressenti de la gratitude », confie Najat. Cette épreuve l’a rapprochée de sa foi. « Ce qui fut autrefois le moment le plus effrayant de ma vie est devenu ma plus grande source de force et de confiance. »
Une fin en douceur
Selon Najat, les adieux sont plutôt sobres et simples dans sa culture. Il y a peu de place pour la grandeur ou le faste. L’accent est mis sur le calme, le silence et la prière. Lorsque la fin approche, la famille veille à maintenir une atmosphère chaleureuse, sans peur ni pensées noires, mais avec des paroles bienveillantes, des prières et, si nécessaire, le pardon. Au moment du décès, le corps est tourné vers La Mecque, les yeux sont doucement fermés et les bras sont placés le long du corps.
« La simplicité n’est pas un défaut, c’est une richesse. »Notre foi : ce qui suit la vie
Najat explique qu’au moment du décès, l’âme quitte le corps et est accompagnée par un ange vers le barzakh, un état intermédiaire entre la vie et l’éternité. Là, l’âme est soumise à un bref interrogatoire destiné à tester sa foi, appelé l’épreuve du tombeau. Celui ou celle qui a mené une vie pure repose dans l’attente de la résurrection. Le Jour du Jugement, chaque être humain devra répondre de ses actes. Cette croyance en une vie après la mort apporte du réconfort, insiste-t-elle : la vie ne s’arrête pas, elle se poursuit sous une autre forme, avec l’espérance du paradis éternel.
La toilette rituelle des morts : tendresse et respect
« Selon la tradition islamique, tout se fait avec soin et simplicité », explique Najat. Idéalement, les ablutions rituelles ont lieu le jour même. Les femmes s’occupent des femmes, les hommes des hommes. Les uns et les autres peuvent se charger des enfants. Le corps est ensuite enveloppé dans un linceul blanc, sans couture, sans ornements, sans artifice. Chacun quitte ce monde à égalité : ce que l’on a été et possédé reste ici-bas. Cette simplicité, dit-elle, « apporte la paix ».
Prière et enterrement : dignité et lien
La prière funéraire a lieu à la mosquée. La famille et les proches se retrouvent ensuite autour d’un repas simple pour partager leurs souvenirs. L’inhumation a lieu de préférence rapidement, parfois le jour même. La tombe reste sobre et mentionne seulement un nom, une date de naissance, une date de décès. Pas de fleurs ni de bougies, précise Najat, car la vénération est réservée à Allah seul. Beaucoup de musulmans choisissent d’être enterrés dans leur pays d’origine, comme le Maroc ou la Turquie, où les sépultures sont généralement permanentes. Ce lieu de repos éternel apporte de la sérénité pour le défunt comme pour les proches.
« La paix ne se trouve pas dans les grands discours, mais dans les petits gestes. »Le deuil : partager sa tristesse pour guérir
Les trois premiers jours sont placés sous le signe de la communauté, explique Najat. Les proches viennent présenter leurs condoléances. Le chagrin se partage, il ne se cache pas. Pour les veuves, la période de deuil dure quatre mois et dix jours : un temps de repos, de prière et d’introspection. La tristesse a sa place, mais en silence, par respect pour le défunt. Les enfants ne sont pas écartés : selon leur âge, ils peuvent venir saluer après la toilette rituelle ou assister à la prière.
Commémorer par des actes
Najat explique que le souvenir ne s’exprime pas seulement par les mots, mais aussi par les actes. La sadaqa jariya désigne une forme de charité continue, qui porte encore ses fruits après la mort, par exemple en offrant des livres, en soutenant une œuvre caritative ou en transmettant un savoir. Transformer le chagrin en quelque chose de bon, dit-elle, est la plus belle manière d’honorer un être cher : il ou elle continue ainsi à vivre à travers ce qu’il ou elle a apporté.
Ce que j’ai déjà organisé et pourquoi
Par son travail, Najat sait combien il est important de consigner ses volontés à temps, en particulier pour les musulmans qui souhaitent des funérailles rapides, simples et dignes, dans le respect de leurs convictions. C’est pourquoi elle a déjà décidé qui pourra être présent lors de la toilette rituelle, où elle souhaite être inhumée et à qui confier les démarches pratiques.
« La plus belle chose à transmettre, c’est la clarté. Ainsi, le jour venu, il reste de la place pour l’essentiel : être ensemble, prier et laisser partir en douceur. »
Découvrez ici les différents rites funéraires à travers les cultures